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LA NUIT


» Vous avez fêté le mariage hier soir
» Après souper, et cela m’a été agréable ;
» Mais d’une si vigoureuse et si horrible façon
» Vous ne m’avez pas alors secouée.
» Vous revenez tout à l’heure, et… cordieu !
» Vous courez neuf postes comme un diable !

» Et puis, seigneur, je n’y comprends rien,
» Vous avez aujourd’hui une affaire démesurée…
» Jamais je ne vous ai senti un si gros morceau…
» L’auriez-vous enflé par malheur ?…
» Ah ! votre médecin vous pousse à votre perte,
» Il vous a fait prendre des cantharides. »

À ces mots, certain désormais d’avoir des cornes,
Barbagrazia demeura sans respiration :
Il frémit de rage, et dans son cœur fit serment
De mourir cocu, mais vengé ;
Il éclata d’un rire ironique, et de sa femme,
En s’en allant, il feignit d’exaucer les désirs.

Rentré dans le salon : « Qui à cette heure, »
Dit-il en lui-même, « peut m’avoir fait cet affront ?
» Quiconque vient du dehors ne peut pénétrer ici ;
» Les sentinelles le prendraient et le tueraient !
» Et qui peut avoir eu tant d’audace ?
» Cordieu ! je parie que c’est quelque page !

» Ce bruit !… ces paroles !… ah ! scélérat ! »
En parlant ainsi, vers leur quartier il se dirige ;
Il en ouvre la porte doucement, doucement,
Il tend les oreilles et attentivement écoute :
Il entend ronfler bien fort là-dedans,
Mais il ne voit rien, parce que la lumière est éteinte.