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LA NUIT


Sur la fin de l’agréable opération,
Copioso imbre Veneris campum irroravit,
Et, sans même prendre un instant de repos,
À son bidet il rouvrit la carrière ;
On aurait cru qu’il en avait pris un autre à la poste,
Car le trot parut s’être changé en galop.

Par neuf fois, sans quitter la selle,
Il donna de l’éperon à sa jument ;
Chaque course était plus belle que la précédente,
Sa force, loin de diminuer, s’accroissait toujours,
Et, à la fin de chaque chevauchée,
Il semblait qu’il débondât un tonneau.

La Reine, confite dans un si doux julep,
Fermait les yeux et le laissait faire ;
Cependant, étonnée d’un si long travail,
— « Vous voulez donc vous tuer, seigneur ? » dit-elle.
Lui ne répond pas ; il se raffermit en selle
Et veut courir la dixième poste.

Mais il réfléchit qu’il valait mieux
Renoncer à une danse si délicieuse ;
Car il pouvait prendre au Roi la fantaisie
De donner un autre picotin à son cheval ;
Et il eut raison ; la demi-heure était écoulée,
Et les matrones l’auraient mis dehors.

Il sortit enfin du lit, et par deux fois
Il eut envie d’y rentrer incontinent,
Car, bien que ses courses eussent été nombreuses,
Il ne s’était pas encore suffisamment soulagé ;
Il soupira, prit ses habits et son manteau
Et retourna au quartier des pages.