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LA NUIT


Le page avait repris du cœur : « Allons ! » dit-il,
« Essayons de pénétrer dans ce réduit ;
» Et si le sort ingrat et cruel prépare
» Au désir qui me brûle une fâcheuse issue,
» Je saurai le braver, je ne le crains pas :
» Il ne peut être plus terrible que mes tourments.

» Mais, si elle me reconnaît ?… et si elle repousse,
» Froide et barbare, mon constant amour ?…
» Si elle crie, ou si elle menace de me dénoncer au Roi ?
» Eh bien ! alors à une des colonnes de son lit
» Je me pendrai ; elle sera heureuse de m’avoir fait
» Un sort pareil à celui d’Iphis.

» Mais pourquoi désespérer ? L’heure tardive
» Et l’ami Morphée peuvent me prêter la main ;
» La garde est plongée dans le sommeil ; il se peut bien
» Que, sans défiance, elle ne découvre pas ma ruse ;
» Et la Reine n’aura pas l’idée d’attribuer
» Cette hardiesse à un autre que son mari.

» La fortune aide les audacieux, elle dédaigne
» Les sots qui se la rendent contraire.
» Ah ! si une ruse heureuse me procure
» Un plaisir si ardemment désiré !… si je puis parvenir
» À la serrer dans mes bras, à la caresser… Oh ! Dieux !
» J’accepte mille fois en échange la potence et l’enfer ! »

Plein de ces pensées, quand lui parut
Arrivée l’heure à ses désirs propice et favorable,
Le mieux enveloppé qu’il put il se présenta
À la porte ; il frappa : la matrone,
Sans s’occuper de le regarder de près,
L’introduit et le salue en riant.