Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
DES ROIS


Le docteur, qui voulait se mettre dans les bonnes grâces
Du Roi pour en tirer quelque petit cadeau,
Lui dit : « Vous voudrez certainement
» Célébrer les Rois, et je parie
» Qu’en un jour si solennel, vous trouverez que c’est peu
» De jouer une seule partie à si joli jeu. »

Ensuite il sourit et il ajouta : « Faites
» Votre affaire avec la Reine après souper ;
» Couchez seul, et quand d’or et de pourpre
» L’aube colorera le ciel, retournez la voir.
» Ah ! pour cette nuit je ne veux pas vous faire souffrir :
» Semel in anno licet insanire !

» Quoi ! vous faites la grimace ? Auriez-vous en tête, par hasard,
» De rester avec votre femme toute la nuit ?
» Ah ! loin de vous cette funeste idée !
» Vous êtes pincé, et tous les coups
» Que dans sa cible décharge votre ardeur
» Sont pour vous autant de cailloux dans les poumons. »

Cela dit, il partit ; il alla trouver la Reine
Et lui parla ainsi : — « Nous sommes en carnaval ;
» Vous le savez et vos femmes le savent,
» N’importe quel jeu en ce temps est permis.
» En l’honneur de cette fête insigne,
» Je vous veux accorder aujourd’hui un privilège.

» Pour vous donner des preuves de son chaud amour,
» Barbagrazia viendra ; je le lui ai permis.
» Ainsi, sans que je lui donne aucun billet,
» Que cette nuit, tant qu’il voudra, il ait accès près de vous,
» Mais qu’avec vous il ne la passe pas : il nous faut
» Beaucoup de prudence pour ne pas lui faire faire la culbute.