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LA NUIT


La nuit, quand le Roi avait permission
D’aller avec sa femme un peu s’amuser,
Il se mettait un manteau d’écarlate
Dans lequel jusqu’aux yeux il s’enveloppait
D’habitude, surtout pendant l’hiver,
Pour ne pas tousser ou s’enrhumer à perpétuité.

Sa robe de chambre tombant jusqu’à ses pieds,
Et sur la tête un bonnet de castor
Par deux rubans lié sous le menton,
Si bien qu’il étouffait presque dedans,
Il traversait le salon, frappait à la porte,
Et, quand il avait la permission, il entrait.

Dans la chambre dorée de la Reine
Les matrones admettaient leur seigneur ;
Il y restait une demi-heure, selon la règle
Invariable fixée par le docteur,
Et, après cela, en semblable équipage
Pour regagner son appartement il se remettait en route.

Parmi les pages était depuis peu un jeune homme
D’un tempérament très nerveux, vigoureux et musclé,
Instruit et habile aux combats d’amour,
Le plus beau fouteur de la Cour.
Un matin qu’il était de service,
Il s’enflamma tout à coup pour la Reine.

L’Amour dans son sein allume une flamme si ardente
Et lui enveloppe si bien le cœur de ses filets,
Qu’avec les yeux du corps et de l’esprit
Il ne voit plus que ce gros morceau de viande,
Et sa pensée, que rien d’autre ne préoccupe,
Mesure ces gros tetons et ce gros fessier.