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LA NUIT


À peine fût-il guéri, que le docteur,
Lui parlant sérieusement et d’un ton grave,
Lui dit : « Majesté, si de nouveau
» Vous prétendez faire le joli cœur,
» Si vous n’êtes pas un peu plus sage et plus discret,
» Vous engraisserez les choux du jardin.

» Le mariage demande un homme bien trempé
» Qui ait du sang dans les veines ;
» Vous êtes froid et très ensorcelé,
» Et vous n’avez pas de bourre dans les reins ;
» Même, le fait d’avoir toujours le machin raide
» Est signe de faiblesse, comme Celse l’a écrit.

» Ainsi, si vous voulez échapper au péril
» Qui vous menace, comme je vous l’ai dit,
» Faites attention de suivre mon conseil :
» Non seulement dans le lit de la Reine
» Vous ne coucherez plus, ainsi que fait un mari,
» Mais vous dormirez dans une autre chambre.

» Je ne veux pas vous interdire absolument
» L’exercice des droits du mariage,
» Mais vous devrez vous en rapporter aux indications
» Que je vous donnerai ; car je connais votre tempérament ;
» Et jamais vous n’approcherez de votre femme,
» Sans qu’un billet de moi vous ait ouvert les portes.

» Admis au lit de votre royale épouse,
» Vous ne resterez pas avec elle plus d’une demi-heure ;
» Et, après avoir une seule fois satisfait ces désirs
» Qu’inspire l’Amour, bien vite vous vous en irez
» Et vous retournerez fouler votre lit de plumes,
» De peur que l’usage ne devienne mauvaise habitude.