Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
LA NUIT


Elle avait un visage tout rond, avec lequel
La lune dans son plein pouvait faire la paire ;
Barbagrazia, en Août comme en Janvier,
Avec elle jusqu’à midi restait au lit,
Et il n’y restait pas pour faire le paresseux,
Mais nuit et jour il jouait du croupion.

Il s’était mis en tête certainement,
Sans aucun souci de l’avenir,
En battant le fer et le rebattant sans cesse,
D’affiner cette masse de chair ;
Mais il ne savait pas que l’enclume dure toujours
Et que le marteau est plus fragile de sa nature.

À grand peine une année s’était passée,
Que ses joues devinrent pâles et creuses ;
Il était réduit à l’état de squelette ;
Ses jambes sèches paraissaient deux flûtes,
Il toussait souvent, avait la pulmonie,
Et semblait toujours tirer un câble après lui.

Il se mit au lit, et les médecins de la Cour
Firent une très verbeuse consultation :
Ils décidèrent que le Roi avait fort à craindre
Dans la région lombaire une grave lésion ;
Que le poumon était atteint, et que Sa Majesté risquait
De devenir, Dieu l’en garde ! phthisique.

Ils lui ordonnèrent ensuite certaine décoction
Où la drogue la plus douce était le quinquina,
Et ils lui conseillèrent de ne plus partager
Le lit de sa volumineuse épouse :
Chose qui à Barbagrazia déplut à tel point
Que jamais il n’éprouva plus grande douleur.