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DONNA CHIARA


Elle était en chemise, une chemise tissée
Par des tisserands Bataves ; à demi nue en sortait
Sa poitrine garnie de deux tetons bien durs,
Qu’elle recouvrait de sa main blanche,
Montrant dans son agitation son ventre poli,
Et ses cuisses et ses jambes et son gros fessier.

À cette vue, Monsignor demeure
Immobile, au point qu’il paraît tout d’une pièce ;
Mais la colère et la folie rentrèrent dans son cœur
En pensant qu’un morceau de si grand prix
Lui était volé, à sa honte et à son désespoir,
Par un subordonné, par un mauvais prieur.

— « Ah ! il te sied bien de faire l’étonnée, »
Cria-t-il, « effrontée que tu es, et de te moquer du monde !
» Honte et déshonneur des saintes filles…
» Avant peu… » et, se tournant vers ceux qui le suivaient,
« Allez, » leur dit-il, « et amenez-moi bien vite
» Ce vilain prêtre qui est caché dans la chambre. »

— « Allez, allez ! » ajouta l’abbesse,
« Et couvrez-moi de honte cette salope
» Qui est parvenue à noter d’infamie
» Notre sainte corporation,
» Et qui, par un si infâme sacrilège… »
Mais Donna Chiara ne put se contenir :

— « Ah ! tais-toi ! » lui cria-t-elle, « puante harpie,
» Tes calomnies, grâce au ciel, sont impuissantes ;
» Mon innocence va éclater à tous les yeux,
» Grâce au Christ et à Santa Maggiorana,
» Et l’on verra dans un instant la preuve
» De ma pureté et du sale péché d’autrui. »