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DONNA CHIARA


Sœur Cunegonda se lève et éveille
L’abbesse, en lui disant d’une voix qui pleure :
« Ma mère, levez-vous, du poulailler doit s’approcher
» Un renard ou une fouine, ou autre bête féroce :
» Écoutez comme les poussins crient…
» Oh Dieu ! on les mange tous… les pauvres petits ! »

L’abbesse sur le bord du lit
Saute et reste l’oreille dressée ;
Puis elle dit : — « Je n’entends rien, Cunegonda…
» — Parce que vous avez l’oreille dure, »
Répond la sœur converse,… « oh ! mon doux Jésus !
» Écoutez comme ils font pio ! pio ! »

Le poulailler produisait un bon revenu
Réservé au profit de l’abbesse :
Aussi la vieille avare eut-elle peur
Que son gain ne fût compromis,
Et bien vite, pour chasser la bête sauvage,
Elle courut pieds nus, en chemise et en jupon.

Elle avait une lanterne et un bâton,
Avec sœur Cunegonda elle entra dans le jardin ;
Mais bien que l’erreur commise
Lui parût manifeste, elle resta longtemps
À explorer le cul des poules
Du doigt, pour voir si elles allaient pondre.

Cependant, Donna Chiara avait amené
Le prêtre à se rendre à ses désirs :
Dans le lit de la vieille, sans dire un mot
Il était déjà : ah ! que ne peut le dieu d’Amour !
La nonnain, rentrée dans sa cellule,
En avait à double tour fermé la serrure.