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DONNA CHIARA


Donna Chiara un moment resta
Indécise, puis elle dit : — « Don Salvadore,
» Si vous êtes pour moi l’amant que vous dites,
» Montrez-le en me sauvant l’honneur ;
» Pour tenter de fuir il est trop tard,
» Et je ne sais où vous cacher aux regards indiscrets.

» Si Ildebrando peut s’assurer que dans mon lit,
» Comme certainement il le suppose, je vous ai reçu…
» Il m’aime et vous connaissez ce billet
» Où il me peint sa flamme… Ah ! si vous êtes ici pincé…
» Sa rage… sa fureur… sa jalousie…
» Oh là là !… Don Salvadore, qu’arrivera-t-il de nous ?

» Habillez-vous…, mais non, il vaut mieux que vous entriez
» Nu dans le lit de la supérieure…
» Il faut que vous souteniez à l’évêque
» Qu’elle vous sollicite…, et même qu’elle vous paie.
» Arrangez-vous pour m’innocenter, et après
» Il me sera facile de vous sauver aussi. »

À peine avait-elle parlé que, semblable à la biche agile,
Qui voit le chien la poursuivre à travers les feuillages,
Elle se sauve sans ceinture et entre dans la cellule
Où dormait son amie Cunegonda,
Sœur converse au service de l’abbesse,
Mais toute différente de goût et de caractère :

Elle faisait mine de seconder la supérieure
Quand elle espionnait pour son compte,
Mais elle ne lui disait que fables et sornettes
Et favorisait ses deux belles amies.
Donna Chiara brièvement lui explique
Ce qu’il faut qu’elle fasse incontinent.

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