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DONNA CHIARA


Il ne tarda guères à savoir qu’à l’heure
Où Phébus cachait dans la mer sa lumière dorée,
L’infidèle, que malgré lui il adore,
Étreignait sur la plume un vigoureux amant ;
Que le gaillard se nommait Salvadore
Et qu’il était prieur de San-Policarpo.

Il sut encore que la belle Donna Irene,
D’une flamme impure ayant le cœur envahi,
Jouait des reins à tire-larigot
Avec un autre prieur, nommé Tommaso :
Et que les prêtres, qui entraient au crépuscule
Le soir, sortaient de bon matin.

À de telles nouvelles, sa colère s’accrut,
Et, pour faire pis que peur à ces galants,
Il résolut de les prendre en flagrant délit ;
Par une nuit obscure et ténébreuse,
Entouré de prêtres et de serviteurs armés,
Il sortit de chez lui tout encapuchonné.

Avec eux, le parloir et le couvent,
Le mur du jardin, tout fut cerné :
Lui-même, armé d’un tromblon,
Fait la ronde dans tous les sens ;
Il dispose ses espions à tels et tels endroits,
Il place des sentinelles ici et là.

Pendant qu’il est ainsi aux aguets, les deux prieurs,
Couchés avec leurs bien-aimées,
Entraînent leurs vigoureux coursiers
À de longues joutes toujours plus douces, plus agréables,
Et quand, fatigués, ils ont la tête basse,
En baisottant, en patinant, ils amusent leurs dames.