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DONNA CHIARA


Du bout des dents le soir il mangea des rôties au vin
Et un petit plat de quatre chapons ;
Il vécut ainsi trois jours, et, comme il était
Poète, il sortit son carnet,
La Regia et le Rimariote Ruscelli,
Et il mit sur le papier ces beaux vers :

« Comme le cerf égaré… oh ! non… comme l’âne
» Court, quand il a soif, boire les fraîches eaux
» Qui coulent de sources abondantes
» Portant leur tribut au Pô, à l’Arno ou au Tibre,
» Ainsi vers vous je désire courir,
» Mais de peur d’un non je tremble et frissonne.

» Avez-vous jamais vu quelque imbécile ensorcelé

» Devenir maigre comme un cent de clous et refuser la nourriture ?

» Tel je suis, mes membres n’ont plus de vigueur,
» En sorte que chacun me dit : Pauvre diable !
» Donc, plutôt que de mourir, je me décide
» À cesser la plaisanterie et à parler librement.

» Dans votre gentille Constantinople
» Meurt de désir d’entrer ce créateur des hommes,
» Qui ne levait plus la tête et qui, maintenant, est indomptable !
» Je sens ses veines s’enfler et gonfler ;
» Je le sens, hélas ! qui se fait dur comme acier,
» Et j’en aurai bientôt les culottes en perce.

» Voilà trois nuits déjà qu’il s’obstine à tenir
» En l’air mon drap et ma couverture de soie ;
» Il voudrait tremper sa tête dans cette mer si douce
» Que ne vaut pas la plaisante mer d’Amérique.
» Si vous consentez à lui prêter assistance,
» Nous ferons notre affaire sans nous laisser pincer.