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DONNA CHIARA


Tel qu’un aveugle de naissance, auquel serait donné
Par un prodige la faculté de voir,
Et qui dans le ciel azuré et resplendissant d’étoiles
Contemplerait la gracieuse déesse amoureuse
D’Endymion, tel aux yeux d’Ildebrando
Apparut le beau visage de Donna Chiara.

Il voulut continuer la réprimande
Qu’il avait si brutalement commencée,
Mais il ne sait où prendre ses expressions,
Et tout troublé regarde Donna Chiara ;
Ainsi en arrive-t-il au chat-huant
Qui rentre trop tard dans son trou et voit le soleil.

Alors la malicieuse Donna Irene
Qui auprès de son amie était venue,
Lui dit tout bas : — « Chiara, il faut
» Que je me réjouisse avec toi de tout mon cœur ;
» Déjà l’évêque est tout à toi : quel bonheur !
» Quel gentil amant ! Quel beau visage ! »

À de tels propos, Donna Chiara ne put se contenir ;
Elles commencèrent à babiller entre elles,
Leur visage à toutes deux devint rouge
Comme l’écarlate, parce qu’elles voulaient retenir leur rire ;
L’effort qu’elles firent fut si violent
Qu’elles laissèrent, en dessous, échapper une goutte.

Monsignor Mangiagatti, se fiant à l’indice
De cette rougeur subite et du sourire qui l’accompagnait,
Crut que Donna Chiara, bien disposée pour lui,
Brûlait d’une passion égale à la sienne ;
Espérant dès lors une facile victoire,
Il reprit sa gaieté et son air hautain ;

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