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DONNA CHIARA


Midi était prêt de sonner,
Et les sœurs étaient réunies à la porte,
Quand de deux chaises dans les environs,
Avec une extrême lenteur traînées,
On entendit le bruit, et l’arrivée de l’évêque
Fut annoncée par ses serviteurs et son parasol.

Ildebrando mit pied à terre et, l’air furieux,
Entra dans le parloir avec ses prêtres ;
Lors, il se mit à parler ainsi d’un ton grossier :
« Me voici ; je suis pour vous la foudre vengeresse,
» Tremblez… oui… vous devez trembler, la faute
» Est… est… est certaine… » Et il resta bouche béante.

Au milieu du demi-cercle formé par les sœurs,
Comme une pierre précieuse enchâssée dans un riche anneau
Donna Chiara brillait ; le Dieu d’amour
Par ce beau visage lançait ses traits ;
Alors, chose extraordinaire, l’évêque et elle
Ouvrirent la bouche et froncèrent les sourcils.

Sœur Chiara vit un homme, plutôt un géant,
D’une taille monstrueuse et effrayante,
Dont un œil regardait au Levant et l’autre à l’Occident,
Avec une chevelure sur laquelle il avait neigé ;
Il avait un nez aplati de macaque,
Tout saupoudré de grains de tabac.

Les dents de sa mâchoire supérieure sortaient
Rares, tortues, sales et cariées ;
Une bave fétide qui lui inondait la poitrine
Tombait incessamment de ses lèvres pendantes ;
Il avait les joues pâles, le menton pointu,
Et sa barbe ressemblait à un charbon éteint