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DONNA CHIARA


Le mauvais exemple petit à petit entraîna
Leurs timides compagnes à la désobéissance ;
Il n’y avait plus nonnain qui se souciât de l’abbesse,
Le vice et la licence triomphaient.
Lorsque celle-ci ne voulut plus supporter
Un si long ennui, elle eut recours au remède habituel.

Au prélat terrible et emporté
Elle écrivit un petit billet de bonne encre ;
Il blasphéma les éléments, le ciel et le monde.
Cet enragé, et aussitôt résolut
D’aller personnellement décharger
Sa colère sur les pétulantes sœurs.

Il fit répondre à l’abbesse
Qu’il irait au couvent à cet effet ;
Et elle, se rengorgeant, fit tout exprès
Réunir le chapître général ;
Là, en grand costume et le bâton pastoral à la main,
Elle annonça la triste et fatale nouvelle.

Ainsi qu’une troupe de méchants gamins
Qui mettent l’école sens dessus dessous
Quand, à propos d’affaires graves et urgentes,
Le maître s’échappe un instant,
Et, tout pâles, se repentent de leur tapage,
Si, à son retour, ils l’entendent rire de travers ;

Ainsi demeurèrent les sœurs : on entendit
Un long frémissement, et tout bas un « Dieu nous protège ! »
Toutes se mirent à trembler, saisies d’effroi,
Leurs cheveux blonds et frisés se hérissèrent ;
Mais de leur amère confusion
Donna Irene et Donna Chiara ne firent que rire.