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DONNA CHIARA


Elle faisait la taupe la nuit ; mais elle voyait
Dans le jour les sœurs sourire entre elles,
Bâiller aux sermons que leur faisait
Le confesseur, s’endormir dans le chœur,
Se faire belles, et ne pas quitter bien vite
Leur miroir et leur profane toilette.

Mais en vain cherchait-elle mille moyens
De changer ses soupçons en certitudes :
Les sœurs converses, dès longtemps habituées à se taire,
Ne dévoilaient rien, et elle fatiguait
De ses questions le servant et le jardinier ;
Quant à les faire parler, elle l’essayait en vain.

L’avare vieille crut s’en faire des amis
Et les amener à suivre son parti
En leur donnant deux biscuits pleins de vers,
Une tranche de gâteau sec et moisi,
Et une bouteille de mauvais vin, qui juste
Trois mois auparavant avait aigri.

Mais ils recevaient bien d’autres dons,
Bien d’autres largesses des amants par eux introduits ;
Ils ne se laissaient pas payer de paroles,
Il leur fallait de beaux deniers comptants ;
Et ils n’auraient pas changé leurs emplois
Contre deux prébendes des mieux pourvues.

L’abbesse, à la fin décidée
À remédier au mal qu’elle supposait
(Car, n’ayant pas été innocente,
Elle ne croyait pas à l’innocence chez les autres),
Résolut de tenir ses nonnains plus sévèrement
Et écrivit à Monsignor ce billet :