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DONNA CHIARA


Dix nonnes demeuraient dans ce monastère,
Toutes jeunes et d’une beauté accomplie,
Qui, le cœur plein d’amoureuse ardeur,
Bien souvent dans leurs cellules
Se donnaient plus joyeuse occupation
Que le rosaire et les pieuses méditations.

Ne voulant pas, dans les jeûnes et les abstinences,
Perdre leur chaude et juvénile vigueur,
Pour satisfaire aussi à certains besoins
Et calmer de fortes démangeaisons
Qui compromettaient leur santé,
Elles s’étaient pourvues de vigoureux amants.

Et quand Phœbus, ôtant au ciel la lumière,
Rendait tous les objets d’une même couleur,
Elles avaient coutume de se coucher avec eux
Dans des lits de plume bien battus,
Où, occupées d’agréables travaux, elles donnaient
Au sommeil la moindre partie de la nuit.

À la tête du couvent était donna Ildegonda,
Vieille méchante, soupçonneuse et fine,
Qui, après avoir sournoisement traîné dans le monde
Une vie impure, au moment où elle vit que sa chevelure
Se couvrait de givre et qu’elle ne trouvait pas de mari,
Prit le parti de se faire religieuse.

Toujours défiante et soupçonneuse,
Elle se mettait nuit et jour la tête à l’envers ;
Avant de se coucher, autour de tous les lits,
Larve importune, elle faisait sa ronde,
Et alors elle voyait ce que la taupe stupide
Voit, enfoncée en terre dans son sale trou.