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DONNA CHIARA


De robustes embrassements et de cadeaux
Je ne puis plus me montrer prodigue ;
Mais, reconnaissant de vos faveurs, et nourrissant toujours
Les mêmes pensées, je vous consacre
Mon froid repos, et me veux immortaliser
En composant pour vous des vers légers et des poèmes.

J’ai lu dans les Nouvelles de Masuccio
Comment une accorte et rusée nonnain
Abreuva de honte et de tourments un monsignor
En refusant de lever pour lui sa jupe ;
Et comment elle couvrit ensuite d’infamie son abbesse
En se tirant elle-même de danger.

Et comme ce qu’on raconte en vers
Mêlés de joyeux propos, se grave aisément
Dans l’esprit de ceux qui écoutent
Et leur reste d’ordinaire toujours présent,
Je veux conter ce bon tour, au grand honneur
De votre sexe, que protège l’amour.

Un antipape inique et scélérat
Occupait la chaire de Saint Pierre ;
Il avait gagné le bâton pastoral et la tiare
Par les procédés magiques de l’imposteur Simon ;
Je veux taire son nom pour le moment :
On l’a, par dérision, appelé Tentennino.

Dans un dur et douloureux exil languissait
Le pape légitime qui, humblement,
Vers le ciel levant sa paupière humide,
Demandait la paix au Dieu tout-puissant,
Non pour lui, mais pour la barque sacrée
Que menaçait une horrible tempête.