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LA VIE ET LA MORT


Ici, je trouve dans mon histoire une autre lacune
De ces cinq cents ans et quatre mois.
Les Auteurs n’en disent pas un traître mot
Et je les ai, pour cette cause, pris horriblement en haine ;
Ils en viennent tout de suite à dire qu’en Janvier
Il soufflait du Nord une affreuse tempête.

Il neigeait, tout était gelé,
Les chiens eux-mêmes portaient la queue entre les jambes,
Le ciel était toujours sombre et couvert de nuages,
Tous les nez ressemblaient à des aubergines,
Et il n’y en avait pas, dans toutes ces contrées,
Un seul qui ne fût bourgeonné.

Le temps convenu avec la Mort,
Et inscrit au contrat par le notaire,
Était accompli pour notre prêtre Ulivo.
Il pouvait rester au monde peu d’heures encore,
Et, en attendant, il se tenait devant un bon feu,
Ayant auprès de lui l’escabeau dont il a été parlé.

La Mort arriva, engourdie, gelée ;
Tous ses os se choquaient, tant elle tremblait,
Et, tout en approchant ses doigts de ses dents,
Elle dit : « Maintenant, plus rien qui te puisse sauver ! »
Puis, sans y penser, elle s’approcha de la cheminée
Pour se dégeler au moins un peu.

Elle vit là, près d’elle, un escabeau vide,
Et, négligemment, y posa son cul ;
À peine l’y eut-elle mis qu’elle le sentit immobile,
Elle se mordit un doigt et s’écria : « Ah ! tu m’as mise dedans,
» Tu m’as attrapée !… ah ! que je suis sotte !
» Foutu coquin de prêtre, quoi ! encore une fois ! »