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LE ROI BISCHERONE


Et, enragé comme un boule-dogue,
Il fit rassembler en hâte sbires et soldats ;
À leur tête il se mit en marche
Et déjà il avait franchi les montagnes voisines,
Quand tout à coup le ciel se fit
Plus trouble et plus noir que de la poix.

Moi qui ai, toute ma vie, été si délicat
Et qui ai tant respecté les oreilles délicates,
Comment serai-je assez hardi pour raconter
Ce qui arriva dans ces lieux sauvages ?
Mais la vérité, qu’il faut respecter dans l’histoire,
Sera mon excuse auprès de mes lecteurs.

Je vais conter des prodiges. L’affreuse tempête
Ne fut soulevée ni par le vent du Midi, ni par celui du Nord ;
On entendit retentir de côté et d’autre
Quantité de gros pets, si sonores et si puants,
Qu’à Bischerone et à son armée réunie en cercle,
Ils enlevèrent, pardieu ! la respiration.

Les nuages de leurs sombres profondeurs ne versèrent pas
De l’eau condensée en glace par Borée ;
Mais des étrons longs de trente coudées au moins
Tombèrent, rapides, du haut du ciel ;
Tel qu’un torrent se précipite dans le sein de la mer,
Ainsi tombait droit cette pluie de merde.

Bischerone ne résista pas à pareille tempête,
Et avec ceux qui le suivaient il mourut étouffé ;
S’il avait été entêté comme Pharaon,
Il fut dans la mort plus malheureux que lui,
Car l’un perdit la vie dans une eau pure,
Et l’autre finit ses jours dans une mare infecte.