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LE ROI BISCHERONE


Bischerone, à une si grande insolence,
Lui lance un regard furieux et sombre ;
Et, comme c’était un homme sans patience,
Il lui jette au museau son sceptre royal ;
Puis, cédant à la colère qui le talonne,
Il lui flanque sa couronne à la tête.

Il lui aurait envoyé son trône aussi,
S’il eût été un peu plus léger ;
Puis il s’écria : — « Brigand, sors d’ici, va-t’en
» Hors de ma présence ! ou, par le Dieu saint !
» Si tu ne t’éloignes d’ici, sur l’heure,
» J’en viens à te pendre de mes propres mains. »

Le Comte, dépourvu de prudence,
Répondait mot pour mot, propos pour propos ;
Bischerone ne supporte pas ce langage,
Il saute à bas de son trône,
S’élance, empoigne le comte par les cheveux,
Et lui crible le museau de coups de poing.

Le comte se tint tranquille un moment,
Par respect pour la dignité royale ;
Mais la patience à la fin lui échappa,
Et bouillant, lui aussi, d’une colère bestiale.
Il rendit au Roi ses coups de poing
Avec soixante-dix pour cent d’intérêt.

Alors les Sénateurs s’interposèrent
Et séparèrent de force les combattants ;
Les gardes arrivèrent et mirent le comte à la porte.
— « Pendez-le tout de suite, sur-le-champ ! »
S’écrie Bischerone devenu féroce.
— « Oui, seigneur, » lui dit-on, mais on n’en fit rien.