Ainsi parfois le lion de Lybie
Voit près de lui l’innocent agneau,
Et, remuant la queue, il sent gronder
Sa colère, ses yeux s’allument, son poil se hérisse ;
Il ouvre une gueule altérée, sa griffe cruelle
Vibre et menace la pauvre bête du dernier péril.
Sous prétexte de lui faire honneur, le Roi fit placer
Le jeune homme dans un lieu sûr,
Une tour forte et inaccessible,
Sous la garde de ses gueux de serviteurs :
Déjà il avait résolu de le faire pendre,
Mais il voulut avant convoquer le Sénat.
Les huissiers haletants de tous côtés
À tire d’aile appellent les sénateurs en séance ;
Dames, bouteilles, dés et cartes,
Ceux-ci abandonnent tout, et prenant leur manteau,
Nous voulons dire leur robe, en toute hâte
Accourent, comme qui va à la chaise percée.
Le Roi siégeait sur son trône, faisant grise mine ;
Il s’écria : « En suis-je donc réduit
» À donner ma fille pour femme à un rustre ?
» À céder à un paysan le sceptre et le trône ?
» Un homme de rien, une vile canaille
» Sera-t-il notre gendre et votre seigneur ?
» Du roi de Lari, de Vico et Santa Croce
» Je n’ai pas voulu pour parent !
» J’aurai pour gendre ce vilain, ce misérable !
» Ah non ! Que le ciel à jamais écarte
» Un roi si plébéien, un si vil époux !