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LE ROI BISCHERONE


Les habitants, voyant le monstre extraordinaire,
Coururent en porter au Roi la grande nouvelle.
Il n’y crut pas, mais quand on le lui montra,
Il créa sur-le-champ un blasphème nouveau et tel
Que Belzébuth, qui se tenait près de lui,
En prit note aussitôt sur ses tablettes.

Cependant, descendu de la barque,
Vers le palais Mirtillo se dirigea ;
La foule étonnée, émerveillée,
De tous côtés fit retentir ses applaudissements,
Et cria : « Qu’il soit le bienvenu, le successeur de notre roi ! »
Et chacun à l’envi s’efforça de lui faire honneur.

Beaucoup jetèrent leurs chapeaux en l’air,
Tirèrent des pétards, des coups de pistolet ;
Les philosophes s’assemblèrent dans les rues,
Bavardant entre eux ; d’autres, stupéfaits,
Examinèrent la barque sous toutes les faces
Et ne comprirent rien à ce mécanisme.

Pendant ce temps-là, le roi Bischerone dans son palais
Se rongeait de rage les deux poings ;
Il roulait les yeux comme un fou,
Menaçait de massacrer bêtes et gens ;
Chaque cri, chaque applaudissement qu’il entendait
Était un poignard qui lui perçait le cœur.

Mais le jeune homme, arrivé en sa présence,
D’un ton libre et respectueux
Lui dit : « Je te demande, puissant souverain,
» Ta fille et ton trône ; j’ai rempli les conditions imposées. »
Bischerone jeta sur lui un regard de travers,
Grinça des dents, et puis : — « Nous verrons, » répondit-il.

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