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LE ROI BISCHERONE


« Tu verras arriver un joli garçon
» Dans une barque sans voiles, sans rames
» Et sans roues, que ne portera ni la terre
» Ni l’eau ; donne-lui ta fille, et pour dot
» Tout ton royaume ; si tu ne fais cela,
» Tu seras noyé dans un lac de merde. »

— « Pardieu, qu’est-ce que cela ? » se mit soudain à crier
Le Roi envahi par la colère ;
« Avez-vous bien lu ? ai-je bien entendu ?… »
Le président à frotter le billet
S’entreprit, et puis dit : — « Mon cher Seigneur,
» Regarde, il y a écrit merde, en toutes lettres. »

— « Oh diable ! à moi ! pour qui me prend-elle ? »
Ajouta Bischerone, « vieille coquine !
» À un homme comme moi pareille réponse !
» Ah ! mon sang s’échauffe dans mes veines !
» Mais oui… mais oui… Je serais capable !… Foutre ! »
Et, tout en se grattant le cul, il retourna au palais.

La Reine, dès qu’elle connut l’évènement,
Dit : — « Je n’ai pas voulu vous contredire,
» Mais que votre ambassade ne servait à rien,
» Un bœuf même, Bischerone, le pouvait comprendre…
» Qui lave la tête à l’âne, Bischerone,
» Perd sa peine, son temps et son savon. »

— « Oh ! » répondit le Roi, « quand on a fait
» Ce qu’on a pu et que ça ne va pas bien, patience !
» Si vraiment la Fée me croit fou,
» Je puis lui dire, sur ma parole, qu’elle se trompe ;
» En somme, tous les pourparlers sont maintenant finis
» Et qu’on ne me parle plus jamais de mari.