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MADAME LORENZA


Ainsi se passa la nuit ; lorsque dans le ciel,
Couronnée de roses parut l’Aurore,
Qui, devançant le dieu lumineux de Délos,
Chasse de la terre ténèbres et fantômes,
La Duchesse prit du repos, et un paisible sommeil
Vint appesantir ses membres.

L’amour, alors, lui peignit une délicieuse prairie
Sur laquelle coulait doucement un ruisseau
Qui menait à la mer ses eaux pures comme le cristal,
Avec un léger et charmant murmure ;
Il lui semble être couchée à l’ombre d’un beau myrte,
Dont les branches protègent la rivière et le pré.

Autour d’elle souffle un zéphyr
Doux et moelleux, qui l’engage à la volupté ;
En même temps gazouillent sur le pin et l’ormeau,
Ou tournent autour du platane à l’ombre épaisse,
Ou voltigent de leurs ailes légères,
Des bandes d’oiseaux qui aiment et sont aimés.

Mais un objet plus charmant paraît à ses yeux,
Au fond des bois épais et ténébreux ;
Elle en voit sortir, vers elle à pas pressés
Elle voit s’avancer le père Franciscain Alfonso,
Possesseur de ce diable d’instrument
Qui seul peut lui donner le plaisir qu’elle espère.

Il lui semble que le Père lui demande de l’amour
Et s’offre de remplir près d’elle le rôle de mari ;
Elle sourit, et il exhibe, lui,
Ce Dieu dans les jardins révéré,
Qui, gigantesque de contenance et de forme,
Inspirait en même temps désir et terreur.