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DU PRÊTRE ULIVO


Elle cueillit les poires, et quand elle eut fini
Elle les jeta au prêtre, puis voulut descendre ;
Mais en vain s’y reprit-elle mille fois,
Toujours sur l’arbre elle restait,
Et, poussant un gros, gros juron,
Elle dit au prêtre : — « Par Dieu ! je ne puis descendre. »

— « Et tu ne le pourras jamais, foutu squelette, »
S’écria le prêtre, riant à s’en tenir les côtes.
— « Ah ! Don Ulivo ! aide-moi à descendre, »
Dit la Mort, « je te récompenserai bien.
» — Je t’ai dans le cul, » répondit le prêtre. « Tu resteras
» Là, au bel air, et jamais tu n’en sortiras. »

La Mort furieuse n’en crut pas un mot ;
Elle voulut sauter à bas de l’arbre,
Mais elle y resta attachée par un pied,
Comme un jambon en haut d’un office ;
Elle finit par sortir de cette fâcheuse situation,
Fit un autre saut et resta pendue par un bras.

En sautant ainsi de branche en branche,
Elle blasphème de rage et de fureur, elle pousse des cris :
— « Voilà précisément ce que je désire,
« Foutu squelette, » s’écria le prêtre, et il se mit à rire.
Pendant ce temps, la Mort, sur ces vieux rameaux
Secouait tantôt ses côtes, tantôt ses tibias décharnés.

De même que le malade, quand il dort, désire
De toutes ses forces se sauver de là
Où il voit en songe des êtres fantastiques,
Spectres ou chimères, qui le veulent saisir,
Que son désir est vain, et que, plein d’effroi,
Il ne peut détacher son pied du sol :