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MADAME LORENZA


Rosina fixe les yeux sur les deux hommes,
Qu’elle mesure de la tête aux pieds ;
Puis, lentement, elle les baisse avec timidité
Et dit qu’elle ne voit en eux aucune marque, aucun indice ;
— « Quand… » ajoute-t-elle, « quand je m’éveillai,
» Je me rappelle que je poussai un grand cri ;

» Et, en étendant une main pour me délivrer
» Du poids énorme qui accablait ma poitrine,
» J’ai senti une tête… mais de me tromper
» J’ai peur… elle m’a paru sans cheveux…
» — Cela, » dit Con-gros, « ne prouve rien
» Et nous laisse dans l’incertitude où nous sommes.

» C’est par humilité que Monsieur le Chapelain
» A la tête rasée, comme vous le voyez.
» L’autre, quoique soldat, a une perruque ;
» Vous ne pouvez par là reconnaître le coupable…
» — Mais celui qui vous a ravi l’honneur, »
Dit Madame, « était-il nu, ou habillé ? »

— « Habillé… il me semble…, » dit Rosina,
« Oui, il avait sa chemise certainement.
» — Oh bien ! dites-moi maintenant, signorina,
» Et ne pensez pas à mentir,
» Car vous ne serez point punie si vous avouez quelque faute ;
» Mais je vous fais fouetter si vous ne dites vrai.

» Est-ce la première fois ? ou vous est-il arrivé déjà
» Qu’on vous fît une semblable farce ?
» Cette virginité vous a-t-elle vraiment
» Été enlevée tout à l’heure, ou l’avez-vous laissé prendre
» Par quelque amant tendre et pressant ?
» Faites-bien attention, ne me cachez pas la vérité ! »