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MADAME LORENZA


Cent vingt chevaux en fricassée
Étaient là ; c’était l’énorme entrée ;
Une couple de chameaux rôtis
Faisaient très belle figure ;
Les moutons, les agneaux, les cochons
Étaient amoncelés comme sont les biscuits.

Deux grands paniers s’élevaient, pleins de bouteilles
Des vins les plus exquis, blancs et rouges,
Rapportés à très haut prix, à prix fous,
D’au delà des mers par des marins étrangers,
Et portant des noms si étranges, qu’à qui les entendait
Ils paraissaient tirés de l’Apocalypse.

Pages, et majordomes, et chambellans,
Sénateurs, sénéchaux, conseillers,
Inspecteurs et cent autres fainéants,
Comtes, ducs, marquis, chevaliers,
Poudrés, vêtus de riches habits,
Se tenaient respectueux autour du potage.

Tel un petit enfant reste interdit, quand il voit
Pour la première fois la lanterne magique :
Il la regarde attentif et n’en croit pas ses yeux,
Et ne peut comprendre par quelle magie se peint
Tantôt un arbre, tantôt un géant ou un monstre affreux,
Tantôt Arlequin, sur le mur opposé.

Ainsi Masuccio demeure immobile dans cette salle
Et ne peut pour ainsi dire faire un pas ;
Ce qu’il voulait dire lui est sorti de la tête :
En vain il veut, l’échine basse, méditer
Les sept révérences, le compliment
Et la façon d’exposer sa plainte douloureuse.