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MADAME LORENZA


La tête basse, il retourne à la maison
Et il agite une tempête de pensées ;
D’une crainte excessive il a l’âme opprimée
Et il en resterait là volontiers ;
Mais sa jolie fille qui se lamente, se désespère
Et s’arrache les cheveux, lui donne du courage.

Il rédige en peu de mots sa supplique,
Espérant s’expliquer mieux de vive voix ;
Vers le palais il se dirige avec empressement.
Aussitôt que sonne l’heure fixée,
Il arrive, et à chacun il demande en hâte
Qu’on le présente au grand Marco Basetta.

On va, on vient, on entend une sourde rumeur
Et un grand bruit de pieds sur les escaliers ;
Il parle à tout le monde, personne ne lui répond,
Pensez s’il le trouvait mauvais !
En vain il répète à tous les courtisans :
— « Me voici, c’est moi qui suis venu ce matin. »

À la fin passa par hasard le chambellan
À qui de bon matin il avait parlé.
— « Ah ! vous voici !… Peut-être aurez-vous fait
» Le voyage inutilement… il est fort occupé…
» Et puis il ne voudra pas se mettre à bavarder
» Au moment d’aller dîner. »

Masuccio lui fait tant d’instances
Que, pour se débarrasser de ces importunités,
Le courtisan pour lui bien vite demande
Une audience : — « Passez tout de suite, »
Fut la réponse qui, en un même instant,
Remplit Masuccio d’espérance et d’effroi.