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LA VIE ET LA MORT


Déjà l’été tirait à sa fin,
Cédant la place au délicieux automne.
De fruits dorés et succulents
Le bon Vertumne embellissait la campagne,
Et le prêtre Ulivo se tenait dans son jardin,
Assis sous son beau vieux poirier.

En cet endroit, il attendait la Mort,
Sachant bien que son heure était venue,
Et il voulait lui faire une assez bonne farce.
Pour s’en sauver pendant cinq cents ans encore.
Elle arriva et dit : « Oh ! prêtre Ulivo !
» Il y a de bien longues années que je vous vois en vie.

» Il est temps, ce me semble, qu’enfin vous veniez avec moi. »
Et le prêtre, levant la tête : — « Oh ! soyez la bienvenue,
» Madame la Mort ! c’est un grand plaisir que vous me faites, »
Dit-il, « je finis par m’ennuyer de vivre,
» Je vous suis, marchons… mais je voudrais d’abord,
» S’il vous plaît, recevoir de vous un petit service.

» Je me sens la gorge sèche, j’ai bien soif ;
» Je voudrais deux poires et ne puis les atteindre,
» Je suis si gras ! Vous, qui êtes maigre,
» Montez avec votre faux sur ce poirier,
» Soyez assez bonne pour cueillir les plus beaux fruits ;
» Quand nous les aurons mangés, nous partirons. »

— « Volontiers, » lui répondit la Mort,
« On ne refuse jamais un petit service. »
Et elle se mit aussitôt à monter sur le poirier,
Tellement vite, qu’un chat est moins prompt
Quand il arrive qu’on le voie
Poursuivre une souris dont il veut faire sa proie.