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MADAME LORENZA


» Croyez-vous que le jour des souverains
» Puisse commencer en même temps que celui des paysans ? »
Masuccio, se trouvant en présence
D’un seigneur en galons et en manchettes,
La poitrine couverte de médailles et de pendeloques,
Se disait à part lui : « Je ne l’aurais jamais cru ! »

Et il s’en serait volontiers allé,
Pensant que dans un trouble plus grand
La vue de son souverain le mettrait
Au point de faire, peut-être, dans ses culottes ;
Cependant, il prit courage et dit : — « Seigneur,
» Dites-moi donc comment faire ? »

— « Oh !… » répliqua le courtisan, « prenez une feuille de papier
» Et rédigez votre supplique ;
» Mais expliquez la chose sans imbroglio,
» Et ne faites pas un tas de bavardages.
» L’Empereur, quand il voit une longue tartine,
» S’en essuie… vous m’entendez ?… et vous êtes frit !

» Adieu, revenez ici vers deux heures.
» — Veuillez me pardonner, illustrissime seigneur, si j’ose…
» — Je vous salue. — Mais si l’Empereur…
» — Oh ! votre serviteur ! brave homme, mes hommages.
» — Ah ! seigneur, si vous saviez mes malheurs !
» — Vous m’avez joliment scié le dos. »

Quand vous appelez en riant un bel enfant
Et que vous lui montrez des fruits ou des dragées,
Si, au moment où il tend sa gentille petite main,
Vous froncez le sourcil et remettez les bonbons en poche,
Il est moins confus et moins étonné
Que le bon Masuccio à cet accueil étrange.