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MADAME LORENZA


Le travail achevé, le Capitaine observe
Si par hasard quelqu’un se montre sur l’escalier,
Puis il met un écu dans la main de la servante
Et la flanque vite à la porte.
Elle demeure plus confuse que reconnaissante,
Et retourne à la cuisine faire le pain.

Masuccio, qui n’avait pas bougé du tout
Et qui, tranquillement, avait repris son somme,
Fut par sa femme deux ou trois [fois] secoué :
« Éveille-toi, » lui dit-elle, « j’ai entendu un autre cri,
» Allons, lève-toi… — Il n’y a pas de danger, »
Lui répondit-il, « tant que j’ai le trou du cul sauf.

» Laisse-moi tranquille, j’ai envie de dormir. »
Il se retourne et cède au sommeil tentateur :
Au bout de peu de temps, dans sa chambre,
Gémissante, tremblante, épouvantée,
Entre sa fille, qui l’appelle par son nom,
Et qui sanglote, et qui s’arrache les cheveux.

Puis, à la clarté d’une terne et faible lumière
Suspendue devant une image sacrée,
Elle s’approche du lit, et, tout en fondant
En larmes, elle raconte son affreuse aventure.
Masuccio, furieux : « Tu ne plaisantes pas ? »
S’écrie-t-il, « et quel est celui de ces deux brigands ? »

— « J’étais couchée, » répond-elle, « je dormais,
» Dans l’obscurité, je n’ai pu le reconnaître. »
Masuccio paraît entendre et voir,
Mais son visage est devenu couleur de plâtre ;
Il est stupéfié de la tête aux pieds,
Il n’entend pas, il ne parle pas, il n’y voit pas.