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MADAME LORENZA


Rosina, étonnée, tout autour d’elle
Tâte les matelas de sa main d’ivoire ;
Une idée confuse de douleur, d’infamie, de honte
L’agite, elle cherche en vain à la chasser ;
Mais, revenue à elle plus complètement, elle sent le Moine
À ses côtés et crie vaillamment :

« À l’aide ! au secours !… Va-t’en, esprit malfaisant !
» Qui es-tu ? Que veux-tu ? Pourquoi es-tu venu ici ? »
Il ne répond pas, et elle, à pleine gorge :
« Ah ! traître ! » s’écrie-t-elle, « à l’aide ! au secours ! »
Le moine en silence pose le pied à terre,
Descend l’escalier et s’enferme dans sa chambre.

À ces cris, le Capitaine éveillé
Court à la porte et reste sur le seuil.
Masuccio, le plus stupide des pères assurément,
Qui dormait au rez-de-chaussée, lève la tête,
Écoute, et, pouffant de rire,
Il appelle sa femme et lui parle en ces termes :

« Crezia !… Eh ! Crezia !… n’entends-tu pas comme glapit
» Brigida ? Ah ! diable ! Ces militaires !
» Sûrement le Capitaine la lutine…
» Mais… c’est affaire entre galérien et marinier…
» Cette fille n’est pas sotte du tout…
» Laissons-les un peu faire, arrive qui plante ! »

Crezia, ouvrant la bouche à un bâillement
Semblable à un hurlement de loup garou :
— « Masuccio, » lui répond-elle, « je vous conseille
» De vous lever vite, et d’aller mettre le holà…
» — Oh ! » réplique le mari, « je n’ai pas coutume
» Par de tels froids de mettre le nez à l’air. »