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MADAME LORENZA


Tel, lorsqu’il est venu pour soigner un riche malade
Qui a la fièvre chaude ou quelque autre maladie grave,
Reste le docteur, s’il le trouve levé
Et se faisant faire la barbe pour aller se promener,
Et si avec des manières polies et beaucoup de bonne grâce
On le met dehors en le remerciant ;

Tel reste le Capitaine : en attendant, le moine
S’enferme dans la chambre tant désirée ;
Son rival l’entend, et : « Fils de vache ! »
S’écrie-t-il furieux, « tu m’as mis dedans !
» Un escalier de moins !… Oh ! que faire ?
» Si je monte, nous nous querellerons.

» Il y aura du tapage… Les vieux entendront
» Et feront changer leur fille de chambre.
» Ainsi, pour lui faire du tort, je m’en ferai à moi-même…
» Patience !… au moins pour cette seule fois ! »
Il dit, et couvrant sa tête de son bonnet de nuit,
Il revient sur ses pas, soupire, et se met au lit.

Mais il n’a pas de repos ; la jalousie
De sa main glacée lui comprime le cœur :
L’amour à son imagination en délire
Peint son heureux rival, comme s’il était présent.
Il lui semble le voir, étendu sur les plumes,
En train d’embrasser celle qui est son idole,

Et de palper les pommes d’une poitrine de neige
Et des fesses dodues, et les plus secrets appas.
L’esprit obsédé de ces lubriques images,
Il est fou et ne peut reposer sur aucun côté ;
Fatigué à la fin de subir un jeûne si cruel,
Il en appelle cinq au secours d’un seul.