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DU PRÊTRE ULIVO


Sinon que Messer Ulivo s’était fait
Chrétien et prêtre, et était alors curé ;
Qu’il n’était plus riche, tant s’en faut,
Comme il l’avait été au temps du Christ,
Mais que, dans sa médiocre fortune, il avait toujours,
Pour faire du bien à autrui, le même penchant.

Il avait, pendant ce temps-là, appris la théologie,
Mais d’en parler ne se sentait grande envie,
Et, quoique docteur de la Sainte Église,
Il ne souffrait pas que, passé sa porte,
De discussions et de syllogismes à force
On vînt lui rompre le tympan.

Aussi vécut-il orthodoxe, et dans son sein
L’exécrable Satan ne réussit pas
À souffler le poison de l’hérésie,
Qui fit dans le monde si terrible ravage ;
Mais il se tint tellement silencieux et réservé,
Qu’il fut comme s’il n’avait pas été.

Il y a bien, à vrai dire, quelque mauvaise langue
(Personne jamais n’échappe à la médisance)
Qui prétend qu’une fraîche et aimable figure,
Des tetons bien blancs, un cul ferme et dur
Étaient chez lui à sa disposition, en la personne d’une servante,
Avec qui il vivait dans une scandaleuse intimité.

On dit encore que lorsque les vers
Lui eurent rongé son premier bréviaire,
Il n’en acheta point d’autre ; mais il faut penser
Que c’est là un jugement téméraire ;
Quand il s’agit d’un prêtre et d’une jeune fille,
On a toujours raison de ne rien croire.