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MADAME LORENZA


Les parents à cheveux blancs et les maris
Tenaient les yeux bien ouverts dans ce pays,
Craignant d’être pourvus de cornes
Par les courtisans, les hommes de guerre :
Seul, Masuccio dormait, parce qu’il ignorait
Combien cette race est hardie pour telles entreprises.

Mais, qui aurait pu craindre qu’un insolent
Mortel s’occupât alors de machiner,
Audacieusement et sans égards,
Ce que les Dieux eux-mêmes ont fait en tremblant ?
Quand il voulut plaire à son doux trésor,
Jupiter se changea en pluie, en cygne, en taureau.

Tout autre galant homme, excepté un moine,
Selon l’exemple de Jupiter en pareil cas,
Aurait mis en œuvre de douces manières
Pour masquer son désir brutal ;
Mais l’âme d’un moine est si endurcie,
Qu’elle outrepasse les bornes de la nature.

Pendant que la servante descendait, le Chapelain
L’entendit passer ; à sa démarche lourde et lente
Il la reconnut, ainsi qu’à son pas grossier,
Et il ne fut pas long à quitter son lit.
Le militaire la reconnut également
Et pensa à profiter de l’occurrence.

À la hâte il enfile sa jaquette
Et ses culottes, et vers la porte se dirige ;
Mais déjà dans la chambre au-dessus
Il entendait le Chapelain marcher ;
Il frémit de rage, il tend bien l’oreille
Et l’entend monter vite l’escalier.