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MADAME LORENZA


Ainsi parfois, une naïve brebis
Erre sans crainte dans la forêt,
Cherchant le ruisseau et l’herbette fleurie,
Et ne sait pas quel sort horrible et funeste
Lui prépare dans le précipice voisin,
En grinçant des dents, le loup féroce.

Innocente, elle ne se méfiait pas d’autrui,
Et jamais ni de jour, ni pendant la nuit sombre,
Dans sa chambre elle ne s’enfermait à clef ;
Pendant qu’elle vivait, si confiante,
Dans l’ombre et le silence, ses trésors
Des ravisseurs excitaient la convoitise.

Le jour était loin de paraître
Et les ténèbres couvraient encore la terre,
Quand Brigida se lève ; auprès du lit
Elle s’habille ; à se démancher la mâchoire
Elle bâille, elle fait le signe de la croix
Et dit à voix basse un Pater noster.

Puis, tout endormie, elle prend les escaliers
En tirant à elle la porte de Rosina ;
Pour faire le pain et le reste de sa besogne
Par l’escalier elle descend à la cuisine,
Et, pour sa maîtresse, qui lui est si douce et si chère,
Elle ne sait pas quel terrible malheur se prépare.

Rosina avait l’habitude de goûter un doux repos
Sur le duvet moelleux, jusqu’au moment
Où le soleil apparaissait hors du vaste empire des eaux ;
Et alors, plus belle que la blonde Aurore
Quand elle se montre dans la voûte étoilée,
La jeune fille exposait au jour sa charmante beauté.