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MADAME LORENZA


Fille d’un aubergiste, elle fut mariée
Pendant un an à Titta Vetturino ;
Son mari mort, elle fut prise pour servante
Par un curé qui lui enseigna le Latin ;
Après cela, un capitaine de navire la prit
Et par deux bouches à la fois lui apprit le Français.

Ensuite, elle servit un maître de chapelle,
Qui la produisit comme prima donna ;
Mais, bien qu’elle fût extrêmement belle
Et qu’elle levât volontiers sa jupe,
Elle détonnait tellement, avait des gestes si faux,
Qu’elle fut sifflée partout où elle parut.

Elle abandonna le chant, et comme elle était
Très portée pour le théâtre et pour le jeu d’amour,
Afin de tirer parti de son joli minois,
Elle se fit revoir sur la scène
En qualité de première figurante ;
Et alors, le comte Rapa devint son amant.

Il l’épousa et en fit une comtesse,
Il la mit sur un grand pied et l’introduisit à la Cour ;
On dit d’elle que le soir même
Des noces, elle lui fit les cornes,
Et, depuis ce moment, elle conquit
Le cœur dur et revêche de Refenero.

Le comte alors eut des sequins à plein sac,
Il fut fait duc et grand commandeur
Des chevaliers de Santa Bucignacca ;
Il jouit de la faveur du monarque,
Que Refenero accordait sans difficulté
À qui savait porter les cornes et le bât.