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MADAME LORENZA


Toujours il imaginait de nouveaux projets
Pour agrandir sa juridiction ;
Sur la mappemonde à chaque instant il s’emparait
D’un royaume, d’une province, d’une nation ;
Puis il perdait, en cherchant querelle à ses voisins,
Son argent, ses provinces et sa réputation.

De surprendre le royaume de Roviglio
Il prit un jour la résolution, et de ses États
Il sortit en traînant à sa suite une troupe nombreuse
De héros demi-nus et affamés ;
Et, après de longues marches, sur le soir,
Il arriva dans le duché de la Forêt Noire.

Là, il résolut de faire une halte
Pour sécher sa martiale sueur,
Et parce qu’un léger rhume fatiguait
Les suaves délices de son cœur,
Dont il ne pouvait rester séparé une demi-heure,
Madame Lorenza, duchesse de Cul-rond.

Cette dame, que Refenero aimait tant,
Possédait à un tel degré l’adresse féminine,
Savait si à propos employer le rire
Et les larmes, et rougir et pâlir ;
Il y avait dans ses discours tant de ruse,
Qu’elle lui faisait faire tout ce qu’elle voulait.

Elle aurait donné des leçons à messer Pluton,

Elle était maîtresse en l’art de tromper, amie des détours,

Gracieuse, séduisante, friponne ;
Affectant la chasteté, elle était si impudique
Que, dit Bellarmin en parlant d’elle,
Elle était déjà putain au cou de sa nourrice.