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LA VIE ET LA MORT


» Et je lui ai demandé encore que ce jeu de cartes
» Que, par un heureux hasard, j’avais alors en poche,
» Sans employer ni ruse, ni tromperie,
» Chassât loin de moi la fortune contraire,
» Et qu’il lui donnât une vertu telle
» Que, lorsque je joue, je puisse toujours gagner.

» Il m’a accordé l’une et l’autre grâce.
» De là, vient que je danse, que je saute de joie…
» — Seigneur Ulivo, moi qui vous écoute, je suis, »
Répondit Saint Pierre, « plus fou que vous.
» On voit bien que vous êtes un homme riche,
» Qui n’a pas une once de bon sens.

» Mais, pour vous payer de votre hospitalité
» En une monnaie qui n’a point sa pareille,
» Je veux vous soustraire au supplice de l’enfer
» Et, pour entrer au ciel, vous donner la clef.
» Voilà la seule chose qu’il faille rechercher ;
» Tout le reste est de nulle valeur et ne signifie rien. »

Cela dit, il se leva ; il mit sa pipe dans un coin
Et alla demander au maître, pour Ulivo, la grâce
De le soustraire à l’éternelle désolation
Et de lui donner le ciel ; le maître accorda tout gracieusement.
Saint Pierre revint, et le dit à messer Ulivo
Qui ne s’en réjouit, ni ne s’en affligea.

Après avoir fait ensuite un excellent déjeuner,
Les apôtres et le maître s’en allèrent.
Ici, mon histoire fait un vrai bond de chèvre,
Chose qui me déplaît, par ma foi.
Six cents ans se passent, et je me trouve
Impuissant à vous en rien dire de nouveau,