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À CHEVAL


Et comme déjà frère Marco était connu
D’une foule de gens de ce pays,
On sut bientôt, par les informations prises,
À qui cette tête avait appartenu ;
Aussitôt le Chancelier commença
À exercer son horrible ministère.

Le moine, menacé de la corde,
Et effrayé de l’affreuse prison,
Avoua qu’il avait tué frère Marco
En lui lançant dans la poitrine une énorme pierre,
Et qu’au Turc, qui lui courait après,
Pour se sauver il avait coupé la tête.

Après de tels aveux, il fut remis
En prison, d’où le jour suivant
Il fut tiré ; et le Chancelier lui posa
Une question qu’il ne put résoudre en aucune façon.
Il lui demanda où il avait caché
La tête du Turc et le corps du religieux.

— « Seigneur, » répondit-il, « j’ai porté le mort tout entier
» À la porte du duc Zamberlucco,
» Parce que je m’étais bien aperçu déjà
» Que frère Marco était amoureux de sa femme,
» Et parce que j’ai pensé qu’on pourrait mettre cette mort
» Au compte de l’extrême jalousie du Duc.

» Si plus tard on a mis ce cadavre dans le sel,
» Je n’en ai eu aucune connaissance.
» La tête que j’ai coupée à ce gaillard-là…
» Que puis-je vous en dire ?… je ne l’ai pas eue…
» Après l’événement, je me suis hâté de fuir…
» Et puis, c’était son affaire d’en prendre soin !… »