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LE MORT


Quiconque a vu à Florence, lors du grand jour consacré
À glorifier le saint Précurseur,
Des prisons de la porte de Prato sortir
Les Barberi pour se disputer le prix de la course,
Comprendra avec quelle vitesse
Couraient l’étalon et la jument.

Le moine avait les cheveux hérissés
De terreur, en voyant que, sans tête
Ce Sarrasin serrait encore sa lance
Et le poursuivait sur son cheval.
Il faisait des signes de croix, et, croyant
Avoir affaire à un diable, il invoquait Saint Antoine.

Les nuages qui vers l’Orient s’empourpraient
Disaient au monde : « Voici le soleil qui paraît ! »
Les portefaix, les jardinières et les petites bourgeoises
Qui de tous côtés allaient à la messe,
En voyant un si étrange événement,
Furent sur le point de mourir de frayeur.

Après de longs circuits à travers les rues,
Le père Buti arriva à une porte
De la ville, au moment où on l’ouvrait :
Le Turc décapité le suivait.
Mais l’officier de garde fit fermer la barrière
Et prendre les armes à une troupe de soldats.

Ceux-ci arrêtèrent le vivant
Et descendirent le mort de cheval.
Puis ils prévinrent les sbires, qui accoururent
Et s’en allèrent au tribunal avec mort et vivant ;
Déjà, mais sans moustaches ni turban,
Une tête y avait été portée auparavant.