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À CHEVAL


Le désir de retourner en arrière devient plus vif
Chez le moine ; mais, cavalier malhabile,
Il ne réussit pas à faire tourner sa bête ;
Le Turc à une course plus rapide
Semble exciter son destrier ; on dirait qu’il veut,
Brandissant sa lance, engager la bataille.

Lancé au galop à la rencontre du père Buti,
Il passe tout auprès de lui,
Et, si le père à temps ne l’eût évité,
Le Turc avec sa perche lui aurait enlevé un œil.
C’était cependant pour le moine un grand bonheur,
Qui le laissait libre de continuer son voyage.

Mais le cheval, qui en passant avait senti
L’odeur attrayante de la jument,
Faisant une volte endiablée,
Revint en arrière par le même chemin,
Et, se serrant toujours contre le moine,
Lui heurta violemment avec la perche le côté gauche.

Alors celui-ci, fou de colère,
« Ah ! » s’écria-t-il, « gueux de renégat !
» Quand ce jeu-là finira-t-il ? »
Et, ayant mis la main à son grand sabre,
Il en porta un coup, si juste et si bien appliqué,
Qu’il sépara la tête du Turc de son buste.

Coupable d’un double homicide, il s’enfuit ensuite
Talonnant souvent des éperons le ventre
De sa jument, et derrière lui courait
Toujours ce Turc, la lance en arrêt,
Parce que l’étalon, gourmand des plaisirs de l’amour,
Voulait monter sur la jument.

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