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LE MORT


Il tenait à la main un petit bout de bougie allumé,
Parce qu’il devait traverser des endroits sombres ;
Il arrive, trouve la place prise
Par le père Marco : « Foutre ! il est ici, celui-là ! »
Dit-il, et, frappant du pied la terre,
Il ajoute : « Même avec son cul il me fait la guerre !

Il retourne sur ses pas ; mais le besoin
Devient plus pressant, presque irrésistible ;
Il s’approche, et, d’un ton superbe, arrogant :
« Père, je ne me suis pas levé en rêve, »
S’écrie-t-il, qu’on se dépêche de faire ses affaires,
» Nous voulons faire quelque chose, nous aussi. »

Il s’éloigne, bientôt, plein d’impatience,
Il l’appelle plus fort : … « Il ne me répond pas !
» Sacrebleu ! cet impertinent
» Pour me faire enrager se tient là tout exprès !…
» Il se moque de moi ! Par Dieu !
» Sors de là, ou je vais t’en tirer, moi ! »

Le défunt ne bouge, ni ne répond,
Car les morts ne font pas de ces choses-là.
Le père Buti enrage et se morfond.
Sur un ton plus fier et plus impérieux
Il lui intime l’ordre de sortir ipso facto,
Et ce mort eut l’air de ne pas comprendre.

L’autre perdit alors patience pour tout de bon
Et cria : « Par la vierge Marie !
» Canaille de frère, si tu es fou,
» Je t’ôterai la folie de la tête…
» Ah ! finissons-en de ce vilain jeu !… »
Il court en parlant ainsi et heurte du pied une pierre.