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LE MORT


— « Excellence, » répondit l’autre, « on pourrait
» L’enterrer tout de suite dans le jardin…
» — Non, on verrait le terrain fraîchement remué…
» — Voulons-nous le jeter dans le Manzanarès ?
» — Non, le chemin est trop fréquenté ;
» Si quelqu’un nous voit, il pourra nous vendre. »

— « Cependant, Excellence, il faut trouver
» Un expédient et s’arrêter à un parti.
» Vous savez que de si tragiques exécutions
» Vous sont défendues par le Roi sous des peines sévères ;
» Quand vous avez tué le petit marquis Belfiore,
» Vous avez perdu pour longtemps sa faveur. »

— « C’est vrai, tu as raison… Oh ! maudit soit
» Ce gueux de moine qui, avec sa luxure,
» À excité en moi tant de colère qu’il m’a forcé
» À faire, de ces illustres mains, le métier de bourreau !
» Voyons, que faire ? que résoudre ?… Oh ! par le dieu Bacchus !
» Fais une chose, Guzman, apporte-moi un sac. »

Le serviteur le lui apporte, il y met
Le cadavre du moine, puis il dit à Guzman :
« Pour sortir d’une passe si critique,
» Voici un moyen qui me paraît bien trouvé.
» Écoute-moi donc, et exécute promptement,
» Avec prudence et mystère, ce que je vais t’ordonner.

» Tu sais que dans le couvent des Franciscains
» Il y a une petite cour, sale et obscure,
» Près du jardin, et qu’on y peut entrer
» En tourmentant un peu la serrure.
» Tu sais que cette cour conduit à main droite
» À un long corridor qui n’a pas de porte.