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À CHEVAL


Le condamné qui regarde en gémissant,
Le visage éploré, les trois bois terribles,
Et qui, en pensant à l’affreux supplice
Qu’il va subir, tremble, l’âme abattue,
Si, au moment où il croit son malheur
Inévitable, il entend crier : Grâce ! grâce !

Est moins joyeux que ce moine amoureux
À une réponse si aimable et si gracieuse ;
Il croit qu’il n’est sur terre que lui d’heureux,
Il n’a presque pour le paradis que du mépris,
Il ne peut trouver de termes assez forts
Pour exprimer tout son contentement.

Ainsi, le soir, saute la grive de son arbrisseau
En secouant ses ailes, quand elle voit
L’insidieux gluau, qui du genièvre
Lui montre le chemin ; à peine y a-t-elle posé le pied
Que vite, elle y saute, mais elle ne touche pas l’appât
Qui l’attire ; elle est prise, elle perd la vie.

Frère Marco voulut se présenter à sa belle
Avec tous ses avantages, et avant tout il se lava :
Puis d’odeurs exquises du Bengale
Il parfuma ses membres nerveux,
Il arrosa d’essence son linge et ses habits,
De sotte qu’il ressemblait presque à un reliquaire.

Il mangea une soupe au vin avec deux pigeons,
Il but une bouteille de bon aleatico ;
Tout le jour il mâchonna des diablotins
Pour se montrer vigoureux au lit ;
Il parcourut tout l’Arétin et y choisit
Telle et telle posture qu’il voulait exécuter.