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LA VIE ET LA MORT


— « Eh ! je ne suis pas fou le moins du monde, » répliqua Ulivo,
« Sachez que j’ai dans mon jardin un beau poirier…
» Oh ! quelles poires, mon Dieu ! mais je n’arrive pas
» À les manger mûres ; un mien voisin
» Au mur du jardin met son échelle,
» Monte sur le poirier et se goberge à ma barbe.

» Votre maître m’a accordé cette grâce,
» Que quiconque y montera n’en pourra plus descendre
» Si je ne lui en donne la permission ;
» Ainsi, je pourrai sur le fait prendre mon voleur,
» Ainsi, je pourrai manger mes poires
» Sans qu’on vienne me les voler. »

— « Ulivo, en vérité, je ne vois pas en vous
» Trop de bon sens, » lui dit Saint Pierre ;
« Une très mauvaise demande d’abord, une autre pire ensuite,
» Voilà ce que vous faites : une longue vie, c’est ce que souhaite
» Votre esprit, et ensuite à votre pensée
» Se présentent le jardin, le voleur et le poirier !

» De grâce, retournez dans la chambre et, humblement,
» Demandez bien vite à mon bon maître
» Chose qui ne soit plus temporelle ou sans valeur ;
» Ayez, enfin, de plus nobles désirs.
» — J’ai compris, » répondit messer Ulivo.
Il y alla et revint bien plus joyeux encore.

— « Cette fois, j’ai obtenu deux grâces d’un seul coup :
» Voyez un peu si, à la fin, j’ai fait preuve de jugement ?
» — Je ne le crois guère, mais venons au fait, »
Répliqua Saint Pierre, « que vous a-t-il accordé ?
» — Deux belles choses !… oh ! belles, belles, belles !
» Vous paieriez un sequin pour les avoir. »