Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
À CHEVAL


« Juste ciel ! » s’écria-t-il, « qu’entends-je ?
» Je ne sais où je suis ! Je demeure pétrifié !
» Oh ! étoiles ! oh ! lune ! Oh ! soleil ! Oh ! firmament !
» Oh ! noble ombre du grand roi Nabuchodonosor !
» Oh ! que tu as dû rougir en l’entendant !
» À moi des cornes ! Un moine ! Un lécheur d’écuelles !

» À moi des cornes ! Un moine !… Il ose former
» Cet ignoble projet ! Et il le publie ! Et il vit ! Et il respire !
» De sa présence il souille encore le monde !
» Et il se promène dans les rues de Madrid !
» Quel feu je me sens dans les entrailles !
» Je veux mettre le feu aux moines et au couvent ! »

Déjà avec des cris terribles il demandait
Son poignard, son épée, ses pistolets ;
La dame chercha inutilement à le calmer
En lui adressant ces paroles :
— « Seigneur, la colère vous domine trop,
» Ce moine est un fou, ses projets le prouvent bien.

» C’est l’effet d’une maladie
» Qui lui aura sans doute tourné la tête ;
» S’il n’avait fait tant de gestes dans la rue,
» Tant de signes, s’il ne m’avait envoyé tant de coups de chapeau,
» S’il n’avait causé scandale au voisinage,
» Je ne vous aurais jamais dévoilé le fait.

» Faites-lui parler par un homme raisonnable,
» Qui lui fasse comprendre son inconvenance ;
» Faites-le chasser de ce couvent…
» Avant tout, ne faites pas des vôtres ;
» Retenez votre main, ou autrement,
» Je me garderai de jamais vous rien dire. »