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LE MORT


Elle, alors, d’un air fier et arrogant,
Se tournait d’un autre côté en signe de refus ;
Quelquefois, elle daignait favoriser ce fol amant
D’un sourire ou d’un léger salut ;
Tel le pêcheur, qui tantôt laisse aller et tantôt tire l’hameçon
Pour mieux attraper le poisson gourmand.

Le Lecteur sera peut-être curieux
De savoir pourquoi la Duchesse avait une telle attitude ;
Et, je ne veux pas lui cacher plus longtemps
Que, bien qu’elle parût si chaste,
Du roi Nabuchodonosor le noble descendant
Portait des cornes comme les autres.

Qui les lui mettait ? Le comte Polinesso,
Un adroit libertin, s’il en fut jamais.
Lorsque le moine, pour son malheur, eut exprimé
La passion qu’il nourrissait dans son cœur, les amants
Pensèrent qu’il convenait de sacrifier ce pauvre homme
À l’atroce jalousie du mari.

Quand ils craignirent que leur
Périlleuse intrigue fût découverte,
Pour se faire un mérite d’une fausse honnêteté
Et détourner l’attention de son époux,
Qui pouvait avoir sur le comte quelque soupçon,
La Duchesse révéla du moine l’impur amour.

Tel dans le Vésuve est impétueux et ardent
Le dévorant élément de Vulcain,
Alors qu’il sort horrible et furieux
Et de lave fondue inonde la montagne et la plaine :
Telle s’alluma la colère dans le cœur du Duc,
Quand il apprit de sa femme pareille nouvelle.