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À CHEVAL


» Elle a le teint blanc, agréablement nuancé
» De la noble couleur que produisent les coquilles de Tyr…
» — Oh ! assez ! » dit l’autre, « j’ai compris,
» C’est la femme du duc Zamberlucco ;
» Cher frère Marco, n’y pensez pas,
» Ce n’est pas un morceau qu’un moine puisse digérer.

» Pour votre bien, faites ce que je vous dis ;
» À ce caprice, père Marco, mettez fin ;
» Il ne peut avoir qu’un funeste résultat.
» Je connais très bien mes poules.
» Si le Duc arrive à vous soupçonner,
» Vous pouvez faire creuser votre fosse. »

— « Eh bien ! que ma tombe s’ouvre toute grande !
Que l’enfer s’ouvre même ! » répondit frère Marco.
« Je veux que la lumière et le souffle me manquent,
» Je veux donner mon âme au diable pour l’éternité,
» Plutôt que de renoncer, par une sotte frayeur,
» À si belle et si glorieuse entreprise.

» Et puis, tu n’es guères habile dans le métier
» Si tu crains la colère d’un jaloux ;
» Quiconque est enclin à la jalousie est cocu d’avance,
» Et d’autant plus qu’il montre plus de fureur.
» Il sent pousser ses cornes quand il y pense
» Le moins : plus il regarde, moins il y voit.

» Laisse-moi seul ; je veux à l’instant même
» Lui dépeindre le feu ardent qu’elle a allumé
» Dans mon cœur, et lui dire la douce compensation
» Que j’attends à ma douleur extrême ;
» Aux prières je mêlerai les éloges,
» Infaillible expédient pour séduire le beau sexe.